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ÉBOULEMENT AU CHÂTEAU

GILBERT USSEGLIO, FIDELE DESCENDANT DU PEUPLE VOCONCES - II

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Avancement

GILBERT USSEGLIO, FIDELE DESCENDANT DU PEUPLE VOCONCES - II

Vaison-la-Romaine
28 décembre 2019 - 15:33
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Article par Solène Noisette et Sandy-David Noisette

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Le 15 août 1951, c’est au régiment qui l’accueillit pour effectuer son service militaire obligatoire que Gilbert fit bénéficier de ses premières expériences professionnelles. L’institution qui allait devenir sa nouvelle famille lui permit surtout de continuer à évoluer. Vite repéré par sa hiérarchie, il fut sélectionné pour intégrer l’école militaire comme « mécanicien avion » sous les ordres d’un officier qui ne lui fit aucun cadeau : le « Capitaine Poignet » de Nyons ! Gilbert explique qu’il fut rapidement désigné « moniteur d’auto-école » pour former, tous les trois mois, vingt conscrits à la conduite des véhicules des officiers de la base de Carita à Orange. Une anicroche vint alors stopper cette ascension rapide lorsque le Capitaine s’aperçut que « l’apprenti moniteur » n’avait lui-même pas obtenu le permis de conduire ! Gilbert précise avec délice que son supérieur commit cette confusion pour l’avoir vu, plus jeune, conduire avec dextérité pour le compte de ses patrons, les célèbres cars Lieutaud en réparation dans la carrosserie où il exerçait son apprentissage à Vaison-la-Romaine. Cet « oubli» fut rétabli avec une célérité certaine, quelques semaines après, au moment où le capitaine Poignet lui fit obtenir en un seul après-midi une panoplie de permis assez étonnante : automobile, moto, transport collectif, camion ! C’est alors qu’une seconde fracture changea le destin de Gilbert. Le décès de sa mère, le 2 juin 1952, l’amena à anticiper sa sortie du régiment au 1er janvier 1953.

Grâce à un collègue de travail guère plus âgé que lui, René Joly, Gilbert découvrit dans un quotidien local une annonce émise par la carrosserie de luxe « Maison Marcel Pourtout » sise à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) ; celle-ci recrutait des carrossiers pour son antenne marocaine. Si l’embauche fut rapide, l’affectation à Casablanca le fut tout autant. La succursale était, elle, spécialisée dans la fabrication de carrosseries pour véhicules utilitaires. N’ayant plus aucune attache familiale à Vaison-la-Romaine, Gilbert y partit avec entrain et comme seul bagage, son envie de découvrir et d’apprendre. Il y acquit ce qui caractérisa à cette époque l’âge d’or du métier : la qualité et la beauté du travail à façon ou encore la pureté du geste et des lignes. Une période où, comme le souligne Gilbert, « les personnes aisées désirant une automobile acquéraient un simple châssis et se faisaient fabriquer une carrosserie ; l’emboutissage d’aujourd’hui n’existait pas ! ». Ironie de l’histoire, à côté de cette excellence, l’usine était située sur la route d’un des quatorze camps marocains créés sous le protectorat français au Maroc : le « Camp Boulhaut ».  Débauché par l’artisan-carrossier José Ochoa, il poursuivit à son profit et pendant deux années son activité professionnelle en tant que responsable d’atelier. Cet épisode heureux sera de courte durée : le gouvernement français était en prise avec les indépendantistes et la pression internationale, alors que la signature des accords de La Celle-Saint-Cloud le 6 novembre 1955 permit l’accession du Maroc au statut d’État indépendant. C’est pourquoi Gilbert, au cours de cette même année, revint à Vaison-la-Romaine où il y rencontra son épouse, Violette.

Gilbert Usseglio à son domicile le 26 décembre 2018

Notre mistral ne le fit pas résister longtemps au souvenir éthéré des violentes et brutales rafales du chergui saharien. Gilbert retourna donc très vite au Maroc, mais, cette fois-ci, accompagné de son épouse. Il y devint sous-officier, en tant que « mécanicien-avion » à Rabat-Salé. La qualité de son travail fut même valorisée par le sultan de l’Empire chérifien, devenu roi du Maroc sous le nom de Mohammed V (grand-père de l’actuel roi Mohammed VI). C’est alors, qu’ayant un goût marqué par les symboles, Gilbert quitta cet emploi et partit définitivement du Maroc le 1er mai 1956, afin de rejoindre son épouse à Vaison-la-Romaine qui venait de mettre au monde leur fille Christine. Il continua alors à servir l’Armée de l’Air tout en renforçant son cursus de nouvelles compétences. Devenu mécanicien pour avions à réaction au cours de la transition technologique qui vit disparaître les avions conventionnels à hélices, il opta pour un changement de spécialité et se forma au métier de « contrôleur aérien d’interception », successivement aux bases-écoles d’Ajaccio, d’Étampes, de Belfort, de Dijon, de Contrexéville, de la Presqu’île de Giens, d’Orange, de Creil, pour terminer au DMC (détachement militaire de coordination) d’Aix-en-Provence. Cette ascension fut vécue avec beaucoup de passion par Gilbert, alors même qu’en pleine guerre froide, la force de dissuasion nucléaire se développait rapidement. Anticipant sa retraite militaire, il prit dans le même temps des cours au CNED (centre national d’enseignement à distance) pour préparer trois concours : enseignant, expert-automobile, inspecteur du permis de conduire. Au final, Gilbert choisit l’Éducation nationale.

Celui qui l’appelait alors « le vieux soldat », l’ex-Colonel Jaouin, en poste comme « chef du personnel » au rectorat d’Aix-en-Provence, vit en lui un formidable réservoir de compétences pour enseigner les élèves carrossiers du lycée d’enseignement professionnel de l’Argensol à Orange. En raison de son ouverture récente, cet établissement recrutait de nouveaux enseignants. Gilbert s’y vit rapidement titularisé après sa réussite, comme major académique, au concours du PETT (professorat de l’enseignement technique théorique). Il continua alors son œuvre d’apprentissage et de transmission. Comme il le souligne avec beaucoup d’émotion, il participa à de nombreux stages afin « de participer à l’élévation de l’être humain » que ce soit en enseignement scolaire ou en enseignement carcéral (Gilbert obtint une habilitation à cette fin). Une âme d’enseignant probablement peu commune, qui aura toujours suscité l’étonnement de ses élèves et de ses collègues, en raison de la singularité d’une pensée forgée à coups de ruptures et de rebonds. Cette vocation se traduisit aussi dans le plaisir que Gilbert aura eu à diriger durant cette seconde carrière  de nombreux centres et colonies de vacances pour être, ainsi qu’il aime à le dire, « toujours au contact des minots ».

En 1994, Gilbert pris sa seconde retraite, celle de l’Éducation nationale. Il mit ainsi fin à une épopée peu commune où les nombreux hasards de la vie auront finalement forgé un tempérament singulier. Volontaire, courageux, autodidacte, Gilbert a su développer un potentiel étonnant : celui de sérendipiter l’inattendu. Cette capacité lui aura permis de faire de belles rencontres et de surmonter les épreuves de la vie. De la même manière, elle lui aura permis d’étayer d’infrangibles liens avec le bonheur. Aujourd’hui, il est finalement possible d’affirmer que Gilbert est un fidèle descendant du peuple voconces. Connu de la plupart des vaisonnais, Gilbert Usseglio nourrit désormais de sa présence la vie culturelle et philosophique du territoire qui accueillit, il y a cent ans, ses parents, émigrés d’Italie.

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