À l’heure du changement climatique, que reste-t-il du cycle immuable des saisons ? En revisitant Vivaldi, les chorégraphes interrogent notre rapport à la nature, à la mémoire collective et à l’harmonie perdue. La musique, parfois absente, parfois surgissante, devient un écho du passé, tandis que la danse trace un présent en mouvement.

Il s’agit là d’une relecture contemporaine de Vivaldi, portée par l’interprétation subtile d’Amandine Beyer et son ensemble Gli Incogniti, une hybridation des styles, mêlant la rigueur géométrique de De Keersmaeker à l’énergie hip-hop de Mriziga, pour une danse à la fois précise et organique.

Pour cette scénographie épurée et symbolique, les corps dessinent des cercles, des diagonales, et incarnent les éléments – neige, chaleur, vent – dans une lumière changeante.

Ce propos engagé fait de la scène un miroir du monde, entre contemplation poétique et urgence écologique.

Le spectacle est une invitation à ressentir le monde autrement, à écouter le silence entre les notes, à voir le mouvement là où l’on croyait l’immobilité. Une œuvre à la fois sensorielle et intellectuelle, qui laisse une empreinte durable.

Une constellation de talents au service du mouvement

La troupe réunie pour Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione est le fruit d’une collaboration entre deux figures majeures de la scène chorégraphique contemporaine : Anne Teresa de Keersmaeker, fondatrice de la compagnie Rosas, et Radouan Mriziga, chorégraphe et danseur marocain belge reconnu pour son approche géométrique et sensible du corps.

Autour d’eux, quatre interprètes d’exception incarnent les saisons avec intensité : Boštjan Antončič, Nassim Baddag, Lav Crnčević et José Paulo Dos Santos. Leur danse, à la fois précise et organique, oscille entre rigueur mathématique et expressivité instinctive, dans un dialogue constant avec la musique de Vivaldi revisitée par la violoniste Amandine Beyer et son ensemble baroque Gli Incogniti.

La scénographie et la lumière, conçues par les chorégraphes eux-mêmes, dessinent un espace où chaque geste devient paysage. Les costumes, signés Aouatif Boulaich, accompagnent subtilement les métamorphoses du corps et des saisons.

Cette troupe incarne une vision collective de la création : un tissage de disciplines, de cultures et de sensibilités, où la danse devient langage universel. Ensemble, ils offrent une œuvre à la fois ancrée dans la tradition et résolument tournée vers l’avenir.

Anne Teresa de Keersmaeker

Figure emblématique de la danse contemporaine européenne, Anne Teresa de Keersmaeker est née en Belgique en 1960. Elle fonde sa compagnie Rosas en 1983, avec la pièce culte Rosas danst Rosas, qui marque déjà son goût pour la structure, la répétition et le dialogue intime entre musique et mouvement. Son travail explore les partitions musicales avec une rigueur presque mathématique, allant de Bach à Steve Reich, en passant par des musiques populaires ou expérimentales.

Ce qui distingue de Keersmaeker, c’est sa capacité à traduire la musique en espace, à faire du corps un instrument de lecture du temps. Elle s’intéresse aux formes géométriques, aux cycles naturels, aux textes philosophiques, et à la manière dont la danse peut incarner des idées abstraites. Son œuvre est à la fois cérébrale et profondément sensorielle.

Radouan Mriziga

Né en 1985, Radouan Mriziga est un chorégraphe et danseur formé entre le Maroc, la Tunisie et la Belgique. Il développe une approche singulière de la danse, où l’architecture, la géométrie et la narration personnelle se rencontrent. Dans ses créations, le corps devient un outil de mesure, un compas vivant qui trace des formes dans l’espace.

Mriziga s’intéresse aux savoirs ancestraux, aux récits invisibilisés, et à la manière dont l’art peut reconnecter l’humain à son environnement. Son travail est souvent traversé par des questions de mémoire, d’identité et de transmission. Il aime brouiller les frontières entre danse, performance et installation.

Une rencontre fertile

Ce qui unit de Keersmaeker et Mriziga, c’est une fascination commune pour les structures naturelles et musicales, mais aussi une conscience aiguë des enjeux contemporains. Leur collaboration sur Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione est une alchimie entre rigueur et fluidité, entre héritage baroque et urgence écologique. Ensemble, ils composent une danse qui interroge le monde autant qu’elle le célèbre.

Billets/réservations : Office de tourisme de Vaison-la-Romaine, par téléphone au 06 49 42 02 88, en ligne www.vaison-danses.com