« ACCORDS SENSIBLES », UN DIALOGUE ENTRE DEUX ARTISTES

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« ACCORDS SENSIBLES », UN DIALOGUE ENTRE DEUX ARTISTES

Vaison-la-Romaine
10 mai 2024 - 15:01
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Une nouvelle exposition organisée par les Amis de l’Église de la Cité Médiévale (AECM) met à l’honneur deux artistes, l’une peintre, Paule Riché, et l’autre sculpteur, Luc Rouault. Pour cette manifestation à la cathédrale de la Haute Ville, les exposants ont véritablement travaillé en duo pour occuper cet espace sacré et imaginer un parcours qui donne du sens à la visite.

Une nouvelle exposition organisée par les Amis de l’Église de la Cité Médiévale (AECM) met à l’honneur deux artistes, l’une peintre, Paule Riché, et l’autre sculpteur, Luc Rouault. Pour cette manifestation à la cathédrale de la Haute Ville, les exposants ont véritablement travaillé en duo pour occuper cet espace sacré et imaginer un parcours qui donne du sens à la visite.

Paule Riché, diplômée de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, est installée à Serres dans les Hautes-Alpes. Elle expose des encres de Chine qui sont autant de méditations sur l’univers, et des natures mortes. Luc Rouault, sculpteur, céramiste, poète et art-thérapeute, s’est formé aux Beaux-Arts d’Avignon. Il est un familier de Vaison-la-Romaine : sa première exposition collective s’est faite en 1999 à Vaison-la-Romaine à la Ferme des Arts. On pourra voir ses œuvres sous la forme d’objets souvent naturels, sublimés par une intention esthétique.

Pour Paule Ruché, le fait d’avoir nommé cette exposition « Accords sensibles » vient d’abord d’un dialogue et d’un échange entre deux artistes dont les pratiques sont différentes, mais dont les préoccupations se rejoignent : accord des matières, des formes, des volumes, des thématiques et des sensibilités.

Comment trouver cet accord pour l’offrir au public ? « Accords sensibles, c’est aussi un accord avec ce lieu de mémoire chargé d’histoire. Il fallait pour cela créer et trouver les œuvres qui ne dénaturent pas la cathédrale. Cela a été un véritable travail de création, de réflexion, de scénographie que nous avons mené ensemble.

D’abord, on a fait le vide, puis on a commencé par le plus simple, c’est-à-dire par les chapelles. La chapelle Saint-Jean, nous l’avons vêtue de rouge. Dans la chapelle du Saint-Esprit, on invite au recueillement face à notre monde foudroyé. Dans les chapelles des âmes du purgatoire, on a choisi le bleu pour sa symbolique à la fois pure et virginale ».

 

Puis il a fallu trouver le cheminement. Dans cette grande nef centrale qui était très imposante et de façon presque naturelle, on a accroché sur les piliers de l’église les encres de l’artiste qui ne sont « ni abstraites ni figuratives ». « Vous pouvez voir des feuilles, des habits de moine ou des linceuls. Vous pouvez voir ce que vous voulez ». Le visiteur est conduit vers le chœur où un grand cercle s’est imposé pour amener un peu de calme. « Accords sensibles, c’est aussi, pour moi, la posture de l’artiste qui dans ce monde si fragile en pleine crise, en détresse, malmené de toutes parts continue à travailler avec le sensible et invite le public à prendre le temps de ses émotions. »

Pour Luc Rouault, qui donne à ses œuvres des noms évocateurs – « Rumeur de terre », « Larme de feu », ou « Gouttes de montagne », ce travail en duo, « c’est un moment de rencontre et un risque ». L’auteur aime à se référer au philosophe et romancier Charles Pépin, la rencontre, une philosophie, et rappelle qu’en vieux français « rencontrer », c’est heurter quelqu’un sur son chemin, « l’encontre », c’est un choc avec l’altérité. Sur ce thème, il aime aussi citer la préface de Martin Buber au livre de Gaston Bachelard « Je et tu » (1983). « Les choses infinies comme le ciel, la forêt et la lumière ne trouvent leur nom que dans un cœur aimant, et le souffle des plaines dans sa douceur et dans sa palpitation est d’abord l’écho d’un soupir attendri ».

« Nous les artistes, continue-t-il, nous sommes des êtres de sensibilité, de réceptacle d’énergie qui ne sommes rien sans le regard d’un public. Nous recevons, nous traversons, nous métamorphosons. Nous tentons de visibiliser l’invu ou l’oublié, de proposer au public un possible de cette traversée, et nous ne saurions rester indifférents ou imperméables face au cataclysme de l’histoire et de nos vies propres.

Cette exposition est le fruit mûri au milieu des tempêtes, des interactions très contemporaines entre des œuvres, des techniques un lien symbolique – cette cathédrale —, une présence architecturale généreuse, des lumières évolutives, le public est le ressenti profond de deux artistes bouleversés et bousculés par les fracas du monde en ce temps présent. »

Exposition à voir jusqu’au 19 mai aux heures d’ouverture de l’église.

Victor Ducrest

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